#9# HONDURAS, le nouveau visage : biodynamie et éducation alternative
Le 14 novembre 2018
#9# HONDURAS, le nouveau visage : biodynamie et éducation alternative
Frontière El Salvador / Honduras : La Condordia
Le passage de frontière s’est bien passé dans les montagnes, dans la brume, dans le froid, et aussi avec une chute des températures à peine 12°C ! C’est Rommel qui vient nous chercher pour nous déposer à Marcala qui est le siège de la coopérative des producteurs de café COMSA certifiée bio, biodynamie (Demeter) et commerce équitable SPP.
Introduction à Marcala avec la coopérative COMSA
Arrivés à Marcala (40 000 habitants), nous découvrons époustouflés le site de La Fortaleza et ses nombreux chalets en bois construits à même la montagne entourée d’immenses pins. Toute l’équipe est là pour nous accueillir, nous ne les connaissons pas encore et pourtant ils nous embrassent et nous serrent dans leurs bras ! C’est la coutume en Amérique Latine. Vers 20h, nous dînons quand soudain le directeur de la coopérative COMSA surgit, il s’appelle Rodolfo. Il arrive tout juste de Chine où il participait à un évènement pour vendre le café. En quelques minutes, il nous déroule le programme des jours à venir : visites des parcelles de café avec les producteurs, visites des écoles (inspirées Montessori) créées par la coopérative, dégustations de café, visites de la ferme permaculturelle et du centre de recherche sur la biodynamie, cours de reproduction de micro-organismes de la montagne et enfin sport extrême…surprise !
La petite histoire…
En 2007, Stéphane est missionné par sa coopérative Ethiquable pour trouver du café en Honduras. Mission difficile, les premiers rendez-vous ne sont pas concluants. Et puis un soir, on lui donne le nom d’un certain Rodolfo, directeur d’une petite coopérative de café. Quelques heures plus tard, Rodolfo explique à Stéphane qu’il n’exporte pas encore de café mais qu’il est prêt à tenter l’aventure avec Ethiquable. C’est validé ! Début d’un partenariat qui dure toujours. En 11 ans, la coopérative n’a pas cessé de grandir. Aujourd’hui, COMSA exporte 600 conteneurs soit 11 000 tonnes de café aux quatre coins du monde ! Cette coopérative est devenue un « modèle » en Amérique Latine non seulement pour ces avancées en production biologique et biodynamique mais aussi par sa vision sur le long terme avec la création d’écoles alternatives : « L’objectif pour nous est que les enfants du Honduras ne quittent pas le pays et vivent dignement sur leur terre en vendant leur café ». Ainsi ils ont créé une école pour les enfants des producteurs où les cours sont dispensés en espagnol, en anglais, en français et en japonais. Le message est clair : « Le café, c’est notre force ».
C’est parti pour 10 jours de rencontres à mille à l’heure..
Visite du centre de formation en agroécologie et du centre de recherche en microbiologie
Le point d’entrée du concept de la COMSA : utiliser la nature pour produire des produits sains ! Aussi grâce aux ventes croissantes de café bio et commerce équitable, la coopérative a pu investir dans un centre de recherche pour trouver des alternatives aux intrants chimiques en ventes massives dans la région et tout le pays. COMSA cultivent toute une batterie de champignons, bactéries, levures et organismes microscopiques vivants dans le but de créer des engrais, des insecticides, des pesticides et des fongicides naturels pour les plants de café mais aussi pour les cultures maraichères. Et ça marche 😊. Les essais sont validés sur les parcelles expérimentales du centre puis les produits élaborés sont vendus à un prix dérisoire aux producteurs de café. Une formation de 6 jours sur l’agroécologie et la permaculture est dispensée gratuitement à tous les producteurs adhérents. On apprend que la durabilité des systèmes de productions agricoles passe par le maintien d’un sol vivant avec les vers de terre (lombriculture), les micro-organismes, les mycorhizes (systèmes racinaires connectés !) alors profitons en et apprenons à les maitriser plutôt que de les tuer avec des engrais chimiques et du glyphosate. Nous avons beaucoup échangé avec Fredy, le formateur passionné de permaculture. Nous avons aussi passé du temps avec Victor sur le thème de la mémoire des plantes et avec Roberto qui nous a fait partager sa passion pour la biodynamie : mélanger de la bouse de vache, des coques d’œufs, de la poudre de roche basaltique, de la poudre de cornes de vache calcinées, puis biodynamiser le tout pendant 1h à l’aide d’une cuillère en bois, déposer le mélange dans un lieu spécifique en terre, attendre 6 mois. Comme l’homéopathie, ce mélange sera utilisé avec parcimonie comme traitement préventif des maladies du café. Le produit phare de la coopérative est le SUPER-COMSA à base de Micro-organismes de Montagne (MM).
Enfin, COMSA vient de signer une convention avec la ville de Marcala « Juntos Limpiamos Marcala » (Ensemble Nettoyons Marcala) et vient de créer un centre de collecte des déchets : verre, métaux, plastic et carton/papier. COMSA soutient 3 jeunes entrepreneurs (fils de producteurs de café) dans la création de leurs entreprises de recyclage des déchets.
La coopérative fabrique sa propre énergie avec des panneaux solaires installés sur les hangars de stockage du café. Elle fabrique aussi du compost à partir des pulpes de café ainsi que du biogaz à partir des eaux de lavage du café…tout un programme.
Les Micro-organismes de Montagne (MM) et la santé
Revenons sur les MM. S’ils sont utilisés dans la fabrication des fertilisants biologiques, ils sont aussi consommés par toute la communauté : les employés ainsi que les producteurs de café et leur famille. Rodolfo, le gérant de COMSA, nous en fait la démonstration. Il nous raconte qu’il y a quelques années, les arrêts maladies étaient fréquents à cause du travail physique des employés dans l’entrepôt de préparation du café à l’export. Il a fait installer dans tous les lieux un distributeur de la boisson préparée à base de micro-organismes, de sucre complet et d’eau filtrée (sans rien d’autres). Le taux d’arrêts maladie est désormais pratiquement nul.
Un médicament contre tous les maux ? qu’est-ce que les MM ? ce sont des organismes vivants microscopiques bénéfiques sous forme de champignons filamenteux blancs (mycélium) que l’on trouve dans les sous-bois humides de préférence sous les pins dans la montagne. Ils permettent d’équilibrer le pH du système digestif, améliorent la digestion et le fonctionnement de nombreux organes, éliminent les maux de têtes, et beaucoup d’autres effets bénéfiques. Au début, on est sceptique. Alors Rodolfo propose à Stéphane de boire 30 ml/jour de la préparation pendant 1 semaine en remplacement du médicament que prend Stéphane tous les jours contre les brûlures d’estomac. Un jour, deux jours, trois jours, une semaine et toujours aucune douleur d’estomac…3 semaines sans médicament et ça continue !
Les petits producteurs de café
Perchées en haut des montagnes entre 1200 et 1850 mètres d’altitude, les parcelles de café sont belles, structurées, feuillage vert foncé, grains rouges grenats par milliers prêts à être cueillis. C’est le début de la récolte qui va durer pendant 4 mois ! Les producteurs sont heureux de nous accueillir et nous emmènent dans leurs parcelles. Chaque producteur cultive en moyenne entre 1 et 2 manzanas (soit 0,7 à 1,4 ha) de café qui constitue le revenu principal de la famille. On entend souvent la même histoire : « Quand mon mari a voulu passer en bio, nous avons gagné moins d’argent car les rendements diminuaient au début. Abandonner l’agriculture chimique a donc été une décision économiquement difficile. La coopérative nous a tout de même convaincu car il fallait arrêter d’abîmer nos terres et détériorer notre santé. Nous avions tout à gagner à cultiver de façon plus responsable et respectueuse de l’environnement ! Maintenant, les rendements sont meilleurs et les plants résistent mieux aux maladies ». En 10 ans, une grande majorité des 1500 producteurs de la coopérative sont passés en agriculture biologique. Ils se disent fiers d’avoir renoncer aux engrais chimiques : « Pour rien au monde, nous ne reviendrons en arrière ! ». Suite à l’effondrement des prix du café à la bourse de New York en 2000, le passage en agriculture biologique à partir de 2006 a « sauvé » les producteurs de café de la COMSA grâce à l’explosion de la demande du café bio dans les pays du Nord.
Certains adhérents, comme Eduardo, pratiquent la permapiculture avec différentes espèces d’abeilles pour la production de miel biologique. On observe aussi la fabrication du sucre complet artisanal à partir de canne à sucre biologique. Louis et Esteban font une bonne découverte: les fraises qui poussent aussi en altitude !
Education alternative pour un autre futur au Honduras
Lorsque nous arrivons à la COMSA International School (CIS) créée par la coopérative, les enfants dansent dans la cour. Deux petits se détachent du groupe et viennent nous saluer en français. C’est une école d’inspiration Montessori. La visite commence par l’école maternelle. Nous découvrons une pédagogie moderne, vivante et chantante où l’affection a une grande place ! Les enseignants félicitent et encouragent avec un vocabulaire bien pensé : « merveilleux, tu es incroyable, tu es intelligent ». L’enseignant nous dit que si l’enfant est respecté, si il se sent aimé, alors il développera des compétences, il va raisonner rapidement. L’école COMSA défend ses convictions avec force : « Les méthodes éducatives traditionnelles n’ont pas un bon impact sur les enfants. L’école classique prône des valeurs que nous désapprouvons : compétition, humiliation, punition, système de notation (nous préférons mettre des commentaires écrits sur les copies des élèves), peu de développement personnel, compétences des élèves peu valorisées, autoritarisme. »
Angelica, la jeune directrice de 21 ans avec laquelle nous échangeons prône des valeurs de respect des élèves : « Nous souhaitons que de les enfants se sentent bien à l’école. La criminalité croissante au Honduras démontre que l’éducation n’a pas fait ses preuves. Il faut inventer une autre école ». Nous sommes touchés en plein cœur par ces mots de la direction qui reflètent ce que nous souhaitons pour nos propres enfants Louis et Esteban. Nos deux fils ont connu des professeurs qui pouvaient se montrer humiliants ou maltraitants avec certains élèves en difficulté. Ces paroles bienveillantes nous comblent de joie. Maria Montessori (psychopédagogue célèbre) pense que l’enfant « rayonne » lorsqu’il a trouvé sa propre voie, accompagné par des adultes bienveillants : « Ainsi l’enfant prendra goût spontanément et joyeusement à l’apprentissage ». Nous pensons que Maria Montessori a raison. Il n’existe pas d’enfants qui n’aient pas envie d’apprendre. Cela dépend de la façon dont l’adulte transmet le savoir.
Louis et Esteban ont passé une journée complète dans l’école COMSA. Chacun a intégré une classe de son niveau. Au début, bien sûr, ils appréhendaient. Ne connaissant pas les autres enfants, ils ne voulaient pas entrer dans l’école. Et puis, quand les élèves sont venus les rassurer, leurs peurs se sont envolées. Les petits leur ont écrit des poèmes et des cartes : « Restez dans l’école avec nous toute l’année, on voudrait bien jouer avec vous, vous allez nous manquer ». Louis est ému et accepte enfin de suivre la maîtresse et les enfants. Esteban réticent ne veut pas rentrer dans la classe ! Alors tous les enfants viennent le chercher. Trois petites filles le prennent dans leurs bras, lui font des câlins, des bisous. Esteban paraît ravi. L’école peut enfin commencer ! A la fin de la journée, Louis et Esteban ne veulent plus partir. Tous les enfants montent dans le bus et saluent longuement Louis et Esteban. Que d’émotions !
COMSA a déjà répliqué le modèle dans 3 autres écoles de brousse autour de Marcala. Nous avons visité plusieurs d’entre elles et nous avons été agréablement surpris du très bon niveau des élèves ainsi que de l’implication des parents qui trouvent une voie à suivre. A chaque visite, les parents témoignent et racontent leur vie avant et après la création de l’école. Impressionnant et très touchant!
Suite des aventures à Marcala dans le prochain épisode,
Saludos
La Permaculture Family
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